Une stratégie publique pour l’égalité des droits, contre la haine et les discriminations

Smaïn LAACHER

 Il n’y a pas encore si longtemps la question de l’homosexualité et de la transidentité était taboue et l’intolérance à son égard était largement partagée. Aujourd’hui encore, de trop nombreux pays et de régions dans le monde, non seulement condamnent pénalement l’homosexualité mais, stade ultime de la haine, punissent les homosexuels de mort.

En France, et plus largement dans l’espace européen, l’hétéronormativité, ou dans un autre langage, l’hétéronormalité, à la suite de mouvements de luttes et de contestation, a fait lentement mais surement de la place à d’autres façons d’aimer et d’être aimé ; à d’autres types d’attachements et de sexualités.

Au moins depuis les années 70, la société française s’est profondément transformée chahutant fortement, dans le même mouvement, les mœurs et les identités sexuelles. L’étude de l’IFOP publiée en juin 2019 en témoigne : en « 2019, 85 % des Français considèrent l’homosexualité comme une manière de vivre sa sexualité comme une autre, contre 24 % en 1975 ». On perçoit aisément le chemin parcouru. Mais cette tolérance n’abolit pas par enchantement la violence à l’encontre des personnes LGBTI. Selon les chiffres du ministère de l’intérieur il y a eu en 2019 « 1 870 victimes d’actes homophobes ou transphobes ». Plus proche de nous, lors du confinement, la puissance publique et les associations luttant contre l’homophobie se sont grandement inquiétées de l’augmentation de la violence sous toutes ses formes (verbales, physiques, allusions, provocations, etc.) qu’ont subis les LGBTI et les personnes trans (déni d’identité dans l’ordre clos de la famille, accès aux hormones compliqué par le confinement, etc.). Le confinement n’a pas fait soudainement exister cette violence ; il l’a redoublé, accru, publiquement exposé.

On pourrait penser que la tolérance sexuelle, sociale, et culturelle à l’égard des personnes LGBTI se traduirait par une répression plus intense de la violence à leur égard. Malgré les progrès réalisés, dans la formation des forces de l’ordre, le chemin est encore long. Seuls 20 % des personnes victimes d’actes LGBTphobes portent plainte. Ce constat alarmant est à mettre en rapport avec cet acte définitif et ultime consistant, selon la très belle formule de Jean Amery, à Porter la main sur soi. Les personnes homosexuelles et bisexuelles se suicident en moyenne 4 fois plus que l’ensemble de la population, et les personnes trans 7 fois plus que le reste de la population. Un des enjeux fondamentaux est bien ici la confiance qui doit être impérativement instaurée entre cette partie de la population française et les institutions, en premier lieu celles de la justice et de la police

Il reste beaucoup à faire ; contre les violences physiques mais aussi en matière de luttes contre les discriminations sous toutes ses formes. Les 40 objectifs et 150 mesures de ce Plan national d’actions   amorcent des perspectives encourageantes qui se traduiront par des avancées concrètes appuyées sur une meilleure connaissance des difficultés rencontrées par les personnes LGBTI.

Smaïn Laacher, professeur de sociologie, président du Conseil scientifique de la DILCRAH