EDITO de Emilie Frèche, Présidente du jury

Il pensait que les juifs dominaient le monde. Il pensait que les juifs volaient l’argent de l’Etat, qu’ils étaient tous riches, et que s’ils ne l’étaient pas, leur communauté, solidaire, paierait la rançon. Après avoir identifié des commerces juifs, boulevard Voltaire à Paris, il a donc envoyé un appât pour récolter des numéros de téléphone. Ilan Halimi a donné le sien. La fille l’a rappelé deux jours plus tard pour lui proposer de boire un verre. Des types lui ont alors sauté dessus; ils l’ont enlevé, séquestré, torturé pendant 24 jours, puis finalement laissé pour mort le long d’une voie de chemine de fer.

“Les juifs sont riches” est un préjugé vieux comme le monde. Et un préjugé qui tue. Né de l’antijudaïsme religieux qui les obligeait à exercer des métiers liés à l’argent puisque la terre leur était refusée, il justifiera les pogroms dès le Moyen-âge, puis s’adaptera à l’ère du capitalisme en accusant cette communauté de tenir les rênes de la finance Internationale, et six millions d’entre eux finiront dans les chambres à gaz – du préjugé au complot, il n’y a qu’un pas.

On espérait que le génocide des juifs aurait débarrassé le monde de l’antisémitisme, fondé en partie sur ce cliché ancestral. C’était une erreur d’appréciation, et la mort d’Ilan Halimi, en France en 2006, nous l’a tragiquement prouvé. Soutenir aujourd’hui un prix national qui porte son nom, c’est prendre la mesure de cette méprise. C’est comprendre que ce préjugé est tenace et qu’à chaque génération, il faut lutter contre. Alors luttons contre.

Lancement de la 5ème édition du Prix Ilan Halimi

Le prix Ilan Halimi a été crée en 2018 par la DILCRAH dans le cadre du Plan National de lutte contre le racisme et l’antisémitisme.

Isabelle Rome, ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, lance la cinquième édition du Prix Ilan HALIMI.

Ce prix met à l’honneur l’engagement de la jeunesse contre l’ignorance et les stéréotypes. C’est par l’éducation et la culture que nous luttons pour favoriser l’ouverture à l’autre et la solidarité.

Le Prix Ilan HALIMI récompense un travail collectif mobilisant au moins cinq jeunes de moins de 25 ans qui ont mené une action visant à lutter contre les préjugés et les stéréotypes racistes et antisémites.

Les candidatures sont à déposer avant le 23 décembre et les finalistes seront conviés à Paris en février 2023 pour une présentation orale de leur action devant les jury et les autres candidats.

Ensemble faisons reculer la haine et l’intolérance !

Appel à candidatures

La création du prix Ilan Halimi est une des mesures du Plan National de lutte contre le racisme et l’antisémitisme 2018-2020. Il porte le nom d’Ilan Halimi, jeune français enlevé, séquestré et torturé, mort de la haine antisémite. Il avait 23 ans, il est celui qui pourrait être notre frère, notre cousin, notre ami.

Ce prix vise à récompenser celles et ceux qui se mobilisent et qui, par leur créativité et leur inventivité, s’engagent pour faire reculer les préjugés.

Il s’agit de mobiliser et récompenser des collectifs de jeunes de moins de 25 ans, dans un cadre scolaire ou non, accompagné d’un majeur référent ayant réalisé une action contribuant à faire reculer les préjugés racistes et antisémites. Cette action peut par exemple relever des champs culturel, sportif, numérique ou d’interventions auprès du public. Les actions présentées doivent avoir été réalisées durant l’année 2021 ou 2022.

Un jury composé de personnalités du monde du sport, de la culture, de l’éducation, de la citoyenneté et de l’engagement procédera aux qualifications.

Les finalistes seront avisés la semaine du 9 janvier 2023 et seront conviés à la finale à Paris en février 2023 pour une présentation de leur action devant le jury et les autres candidats (sous réserve des conditions sanitaires). Lors de cette présentation, ils devront expliquer leur démarche, la genèse de leur action, la pertinence de celle-ci et les effets qu’elle a pu produire.

Les modalités d’évaluation portent sur la qualité de la présentation, le contenu et la pertinence de l’action réalisée. Un Prix Ilan Halimi et trois distinctions viendront récompenser les lauréats.

Le Prix Ilan Halimi sera remis par la Première ministre en février 2023 (sous réserve des conditions sanitaires). Les actions lauréates seront valorisées par les services de communication de la DILCRAH et ses partenaires.

Retrouvez les archives des Prix précédents

Archive – Tribune des élèves du collège Clos de Pouilly – Lauréats de la première édition du prix Ilan Halimi en 2019

En 2019, les élèves du collège du Clos de Pouilly à Dijon remportaient la première édition du prix Ilan Halimi. Créé en hommage au jeune français enlevé, séquestré et torturé à mort parce que juif par des individus aveuglés par la haine et les préjugés antisémites en 2006, ce prix récompense des initiatives de jeunes de moins de 25 ans qui luttent contre le racisme et l’antisémitisme.

En gagnant ce prix, les élèves ont remporté une bourse leur permettant de financer leur nouvelle initiative : le projet Kaléidoscope. A l’occasion de la deuxième édition du prix Halimi qui aura lieu demain à Matignon, découvrez le témoignage des élèves de cinquième qui ont poursuivi les travaux de leurs aînés.

Élèves de 5ème, nous sommes fiers de prendre la relève des lauréats du premier prix Ilan Halimi. Et nous sommes aussi très impressionnés. Notre collège a été marqué par le prix Ilan Halimi : il y a les dessins dans le couloir, l’arbre des mémoires dans le jardin pédagogique, le trophée dans le hall de l’accueil. Cela nous rappelle l’expérience inoubliable et l’engagement qu’ont pris nos prédécesseurs. Il est important pour nous de continuer leur œuvre et de l’embellir. Mais en même temps, si nous prenons la relève c’est parce qu’il reste encore tant à faire pour faire reculer les préjugés que l’on peut avoir sur les personnes ayant des cultures, des religions différentes.

Nous nous sommes raconté les actes et les paroles racistes ou antisémites dont nous avons été victimes ou témoins, chacun, individuellement. Nous avons vu un homme refuser de s’asseoir à côté d’une femme voilée dans le bus, nous avons été traités de « sale négro », de « sale arabe ». Nous avons lu sur les réseaux sociaux que les juifs étaient riches et qu’ils complotaient pour dominer le monde. À un match de foot nous avons vu un homme dire à une personne d’origine asiatique qu’elle avait le coronavirus et qu’il ne voulait pas s’asseoir à côté d’elle.

Pour lutter contre ces situations et ne pas les rendre anodines, nous avons créé le projet Kaléidoscope.

Depuis le début de l’année, nous avons organisé plusieurs évènements autour de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme avec d’autres collèges. En rencontrant des élèves de notre âge, de territoires et d’origines variés, étudiant dans un collège de 170 élèves à 80 km de Dijon ou dans un collège du réseau d’éducation prioritaire où il y a plus de 46 nationalités différentes, nous découvrons nos points communs et la richesse de nos différences. Nous créons ensemble un blog avec Thibault Roy, journaliste de presse, une fresque avec le graffeur Combo, nous apprenons à vérifier les sources des informations qui sont diffusées sur nos réseaux sociaux, nous échangeons avec Isabelle Saint-Martin, spécialiste de l’enseignement laïque des faits religieux. Et nous découvrons que nous avons un héritage culturel commun.

Grâce au projet, nous réfléchissons aux notions de culture partagée et de coexistence. Nous luttons contre le racisme et l’antisémitisme car nous apprenons à devenir plus tolérants en comprenant concrètement comment parler de la différence. En échangeant et en créant un blog ou une fresque en commun, nous partageons nos valeurs, nos idées, et nous échangeons sur le racisme et l’antisémitisme au quotidien.

Malgré toutes nos actions, nous entendons encore dans notre entourage, dans la cour de notre collège, sur Instagram ou Twitter beaucoup de paroles haineuses. Nous avons vu les élèves de 3ème de notre collège s’engager devant Ruth Halimi à poursuivre la lutte contre le racisme et l’antisémitisme pour qu’il n’y ait plus de crime haineux tel que celui dont son fils a été victime. C’est à notre tour, de porter ce flambeau. Ce sera également le rôle des lauréats de la seconde édition du prix Ilan Halimi, et de tous les jeunes en France : il faut faire vivre la parole et le partage face aux actes de haine qui se multiplient.

Dans notre salle d’Histoire-Géographie, il est écrit « Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots ». Pour nous c’est exactement ça le projet Kaléidoscope. Ces paroles ont été prononcées il y a plus de de cinquante ans, nous avons encore beaucoup à faire.

Les élèves de 5ème7 du collège Clos De Pouilly