Discours à Bordeaux de Frédéric Potier

Monsieur le Maire, cher Alain Juppé,
Monsieur l’adjoint au Maire, cher Marik Fetouh,
Mesdames et messieurs en vos grades et qualités,

C’est toujours un plaisir pour moi de revenir dans cette belle ville de Bordeaux où j’ai fait mes études et où j’ai noué tant de belles amitiés.

J’y reviens cependant aujourd’hui avec une certaine tristesse, une pointe d’inquiétude et malgré tout de l’espoir.

D’abord la tristesse car je viens d’apprendre que l’arbre planté en mémoire d’Ilan Halimi à Sainte-Geneviève-des-Bois en Essonne a été volontairement coupé.

La tristesse aussi car j’étais il y a quelques instants encore au centre LGBT Bordeaux-Aquitaine, le Girofard, pour rencontrer les trois victimes de la violente agression homophobe qui s’est déroulée dans la nuit de vendredi à samedi.

J’ai voulu par ce geste leur apporter le soutien de l’Etat, le soutien de toute la République, face à ce que nous pouvons appeler un crime de haine.

Haine de l’autre.

Haine de la diversité.

Haine de la joie et de l’amour que peuvent se manifester deux personnes, quelle que soit leur orientation sexuelle. Cette haine anti-LGBT ne faiblit pas. Elle a même augmenté de 15% en France lors des 9 premiers mois de l’année 2018.

Il y a là une forme de paradoxe : alors que notre société est globalement plus tolérante et que la visibilité des personnes LGBT se renforce, cela provoque également des phénomènes de rejet, d’intolérance et de repli identitaire.

L’objet même de la DILCRAH, dont la compétence a été élargie à la lutte contre la haine anti-LGBT en juillet 2016, est de combattre tout cela.

Je veux le redire ici très clairement : l’Etat est du côté de tous ceux qui luttent contre l’homophobie. Nous soutenons à la DILCRAH au total, sur l’ensemble de notre champs d’action, plus de 800 initiatives, que ce soit dans le domaine de l’aide aux victimes, de l’éducation, la culture ou le sport. Nous formons notamment les agents publics, et j’étais en décembre dernier à l’Ecole Nationale de la Magistrature à deux pas d’ici dans l’amphithéâtre Simone Veil pour former les futurs magistrats à la lutte contre la haine.

Simone Veil, comment ne pas penser à elle en ce lendemain d’un triste week-end où nous avons découvert peu à peu, jusqu’à la nausée, des tags antisémites visant un restaurant de Bagel, le Président de la République mais aussi un beau portrait de Simone Veil. D’où l’inquiétude.

Nous pensions l’Europe vacciné de l’antisémitisme après Auschwitz. Il n’en n’est rien. Pas plus à Paris qu’à Bordeaux. Aujourd’hui, les préjugés les plus vieux et les plus abominables fleurissent sur internet mais aussi sur la voie publique.

Les Juifs et l’argent.

Les juifs et le pouvoir.

Les juifs et la Franc-Maçonnerie.

En 2018, notre pays aura connu une augmentation de 74% des actes antisémites sous l’effet de l’islamisme et de l’extrême droite identitaire. Mais ne nous y trompons pas, il ne s’agit pas d’une spécificité franco-française. Nos voisins connaissent une vague similaire que ce soit en Allemagne ou en Italie. Aux Etats-Unis, l’attaque contre la synagogue de Pittsburg qui a fait 11 morts est venue nous rappeler que nul n’était à l’abri. Nul n’est épargné. Pas même Israël, avec le saccage de la synagogue dédiée à la famille Sandler, victime de l’attaque de l’Ecole Ozar Hatorah à Toulouse en 2012.

Tristesse, inquiétude mais aussi espoir.

L’espoir, c’est celui que nous avons envers les associations, les élus, les agents publics pour combattre résolument les idées de haine. L’antisémitisme, l’homophobie, mais aussi le racisme sont sources de nombreuses discriminations. Et je veux ainsi saluer la démarche que vous lancez ce soir : mieux connaître la situation, identifier les réponses et enfin engager une politique publique volontariste.

Monsieur le Maire, la DILCRAH sera à vos côtés dans ce programme ambitieux.
L’Etat déploiera l’ensemble de son dispositif d’action : par la culture, l’éducation, le sport ou la mémoire.

Robert Kennedy avait l’habitude de citer une phrase d’Eschyle qui dit : « Les Hommes ne sont pas faits pour les refuges tranquilles ». Il aurait pu ajouter : les Hommes ne sont pas faits non plus pour l’indifférence et la passivité.

Merci Monsieur le Maire pour votre accueil, votre engagement et surtout votre détermination.