« La Fraternité est l’étoile polaire de la République »

Discours de Frédéric Potier préfet, délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) à Vaulx-en-Velin (Rhône) le jeudi 7 février 2019.

Mme la Maire de Vaulx-en-Velin, chère Hélène Geoffroy,
Mme la sous-préfète,
Mme la députée du Var, chère Cécile Muschotti,
Mesdames et messieurs en vos grades et qualités,

Merci chère Hélène Geoffroy pour votre accueil et surtout pour cette belle journée de bilans, de réflexions et de débats consacrée à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Vous étiez déjà en 2014 lors du lancement de ce plan à la pointe du combat. Et mon prédécesseur, Gilles Clavreul, que je saluer ici avait eu l’excellente idée de bâtir avec vous le tout premier contrat territorial soutenu par la DILCRAH. Nous avons depuis cette date suivi fidèlement vos actions.

Je relisais ce matin au petit déjeuner un ouvrage que François Hollande avait publié en 2009. Oui je sais, il est bizarre de lire des ouvrages politiques au petit-déjeuner… nul n’est parfait.

L’ancien président de la République donc, qui nous rejoindra en fin d’après-midi, écrivait que l’égalité est l’étoile polaire de la Gauche. L’étoile polaire est – pour ceux qui ne sont pas férus d’astronomie ou de navigation – l’étoile que les marins fixent dans la nuit pour se repérer en mer car elle permet de se diriger vers le Nord et de s’orienter. Elle sert donc en quelque sorte de boussole.

Pour ma part, je considère que la Fraternité est l’étoile polaire de la République.
Car la fraternité ne se proclame pas, elle se construit.
Elle ne s’exige pas, elle se façonne patiemment dans la relation à l’autre.
Elle ouvre la voie au respect, à la tolérance, au dialogue, à la citoyenneté et à l’action collective.
Bref, la Fraternité guide nos pas.

Et la Fraternité ne se résume pas à l’expression de « vivre ensemble », à laquelle je préfère la notion de « faire ensemble ». Faire TOUS ensemble, dans un esprit citoyen, laïc et universalité. Faire ensemble, c’est tout simplement agir. Ne pas se payer de mots ou de grands discours. Ne pas se contenter de tribunes ou de pétitions dans les grands journaux parisiens.

Agir, c’est précisément ce qui a été demandé à la DILCRAH depuis 2014. Cette année là le Premier ministre Manuel Valls et le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve avaient fixé à la DILCRAH l’ambition de devenir le bras armé de la lutte contre la haine, contre toutes les formes de haine.

Contre l’antisémitisme qui a tué, qui tue encore aujourd’hui en France et qui explose : +70% en 2018 sous l’effet de l’islamisme, de l’antisionisme ou du retour d’une extrême-droite identitaire et violente.

Contre le racisme qui discrimine et prive de droits notamment les plus jeunes.

Et en 2016 contre la haine anti-LGBT qui rejette et qui ne faiblit pas en dépit de grandes avancées législatives comme le mariage pour tous.

Et parfois tout cela se combine, vous le savez évidemment. Billal Hassani, ce jeune chanteur plein de talents qui représentera la France au concours de l’Eurovision me confiait il y a quelques jours qu’il recevait une insulte toutes les 15 secondes sur Twitter. Ce n’est pas acceptable.

Pour toutes ces raisons, le Premier ministre Edouard Philippe a lancé un nouveau plan national de lutte contre le racisme et l’antisémitisme en mars dernier. Dans la continuité de la précédente mandature de nombreuses actions ont été engagées. Je n’en citerai ici que trois.

Tout d’abord, la mise en place d’une équipe nationale de réaction pilotée par la DILCRAH et le Ministère de l’Education nationale. Avec pour relai territorial les équipes académiques laïcité dont les compétences ont été élargies à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, cette équipe nationale a pour mission de mieux détecter, signaler et traiter les difficultés rencontrées à l’Ecole. Ne pas laisser les enseignants seuls avec leurs problèmes mais les accompagner et les épauler pour faire face. Ce dispositif est à ce jour pleinement opérationnel.

Deuxième initiative, la création d’un prix national Ilan Halimi. Le Premier ministre remettra mardi prochain à Matignon les prix aux premiers groupes de jeunes lauréats pour leurs actions en faveur de la lutte contre les préjugés racistes et antisémites.

Troisième mesure, la modification de la loi française qui régit internet et les réseaux sociaux. Le Président de la République s’y est engagé, nous sommes en train de le faire sous l’impulsion des secrétaires d’Etat Marlène Schiappa et Mounir Mahjoubi avec à l’esprit ce qu’ont fait nos voisins allemands. En Allemagne, la loi a imposé des délais très sérés (24 h ou 48 h) pour retirer des messages de haine et des sanctions financières très dissuasives pouvant aller jusqu’à 50 millions d’euros d’amende.

Ces actions ne sont cependant que le complément d’initiatives locales tout aussi essentielles en matière de formation, de mémoire, d’éducation ou d’accès au droit. Nous en parlerons dans quelques instants dans les ateliers. Et je veux saluer tous les partenaires qui sont présents dans cette salle cet après-midi : Ari Sebag, secrétaire général de la LICRA, le Camp des Milles, la maison d’Izieu, Divertimento, Plantu et toute l’équipe de cartooning for peace…

Je ne serai pas plus long.

Je voudrais juste pour terminer citer devant vous un proverbe normand (que certains attribuent aussi à Gandhi) : « le bruit des arbres qui chutent masque souvent le silence des forêts qui poussent ».

Je sais Mme la Maire qu’ici à Vaulx-en-Velin pousse en silence l’esprit de fraternité qui guide notre République.

Je vous remercie.